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ÉVOLUTION HISTORIQUE

ques, en l’absence de raisons sérieuses, et qui essayerait, à force de pathétique, d’élans oratoires, de gestes passionnés, d’entraîner et magnétiser ses juges, perdrait incontinent la bienveillance de son auditoire et se ferait rappeler à l’ordre. L’éloquence, si puissante chez les anciens, qualité essentielle de l’homme d’État et même du général, ne se supporte aujourd’hui que comme un accessoire matériel, parce que l’homme qui parle devant le public doit d’abord se faire entendre, parce qu’un discours soigné et méthodique est tout à la fois un hommage à l’assemblée qui écoute et dont l’attention doit être ménagée, et une garantie d’intelligibilité. Ce n’est pas toujours, je le reconnais, d’après ces principes que les choses se passent : maintes fois nous avons vu de nos jours la paresse des esprits et la lâcheté des consciences sacrifier le droit et la vérité à de vaines habiletés de parole. Cet abus rétrograde de l’éloquence a été une des causes de la chute de la monarchie de juillet et du système parlementaire[1]. Mais notre volonté secrète n’en est pas

  1. La littérature politique a été fondée en 89 par Mirabeau. L’empire mort, nous avons eu les Chambres de Li Restauration, et de temps en temps de remarquables articles. Apres 1830, tout est devenu blague pure, bavardage et impertinence. Des hommes, indignes de figuier à la barre d’un juge de village, se sont mis à envelopper dans les noules oratoires des grands maîtres les plus fades lieux communs, les plus insolentes contre-vérités. Nous avons l’éloquence du Curps législatif et les articles de M. Grand-guiliot ; on n’a pas même pu souffrir Veuillot.