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ÉVOLUTION HISTORIQUE

une maladie ou décrépitude de la faculté esthétique que nous avons affaire : c’est à une erreur du jugement.

Et d’où vient cette erreur elle-même ? Tout simplement de ce que vers la fin du moyen âge, lorsque l’esprit philosophique est venu remplacer la ferveur religieuse, et le sentiment de la dignité humaine mettre fin à l’autorité surnaturelle, il s’est accompli dans le monde une révolution analogue à celle qui avait mis fin au polythéisme grec et substitué à l’idolâtrie la spiritualité chrétienne. En deux mots, nous avons, depuis trois siècles, et à notre insu, changé d’horizon ; notre idéal n’est point celui du moyen âge, pas plus que celui des Grecs ; d’où résulte que les conditions de l’art ne sont pas non plus les mêmes. Or, qu’avons-nous fait depuis la Renaissance ? Nous avons conservé, par convention ou concordat, dans nos gouvernements et dans nos mœurs, l’idéalisme chrétien ; nous l’avons associé à l’idéalisme grec ; puis nous avons recouvert le tout de je ne’ sais quel fantaisisme romantique, féerique, oriental et féodal ; si bien qu’aujourd’hui, dans notre monde moderne, l’idée et l’idéal, l’esprit et la forme, les principes et la lumière sont en complète disparate ! Il n’y a que la musique qui, se séparant du chant grégorien et se frayant, à l’aide du théâtre, une voie nouvelle, ait su se développer à part, conformément à la loi du progrès. Quoi