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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

la justice, il faut l’espérer, a pour jamais fait rentrer dans le néant. Certes, la cause qui détermina la prise d’Alger par les Français était juste, et j’aime à croire que, dans une mesure que j’ignore, la conquête de son territoire et la soumission des tribus qui l’habitaient en étaient la conséquence. Mais, devant le tableau de M. Horace Vernet, je me demande si vraiment nous avions raison ou prétexte de confondre les Arabes avec les Turcs ; ce que nous ont fait les indigènes ; ce que nous avons la prétention de faire d’eux et de leur pays ; pourquoi, après avoir exterminé tant de tribus différentes, nous sommes allés ensuite attaquer les Kabyles ; quel progrès nos mœurs, notre religion, nos idées, notre industrie, nos arts, ont fait sur cette terre, que nous ne pouvons ou ne savons coloniser, et qui nous dévore. Les trente-trois années de l’occupation algérienne sont une honte pour la France, honte dont le tableau de M. Horace Vernet ne peut avoir d’autre objet que d’éterniser la mémoire. Trente-trois années de dévastation et d’ineptie ! Ne voilà-t-il pas un beau sujet d’illustration, une belle occasion d’exciter notre chauvinisme ?... Oh ! j’ai osé faire la critique du Serment du Jeu de paume de David, du Boissy d’Anglas d’Eugène Delacroix ; je me suis moqué du frontispice du Panthéon et de la Marseillaise de l’Arc de triomphe ; mais, en me rappelant la Smala de M. Horace Vernet, peu s’en faut que je ne regrette mes paroles. Otez-moi