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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

de ceux qui la mènent et l’instruisent. Louez tant qu’il vous plaira la pureté et la correction de dessin de M. Ingres, la beauté idéale de ses figures ; louez, en M. Delacroix, le mouvement, la vie, le prestige de la couleur, l’énergie de l’expression ; insistez, en revanche, sur le dessin étique, la touche sèche et coupante, le coloris dissonant, l’absence d’idée, de poésie, d’émotion, de caractère, qui distinguent M. Horace Vernet : vous n’en serez pas moins forcé de reconnaître qu’entre eux tous l'illogisme, la contradiction, l’inconséquence, l’absurdité enfin sont les mêmes ; conséquemment que l’art, tel qu’ils l’entendent et le pratiquent, est sans base, et que si le dernier peut être accusé d’avoir contribué plus que ses deux rivaux à corrompre le goût de son pays, cela vient de ce que, dans la partie principale de son œuvre, il a su mieux qu’eux se faire comprendre, ce qui établit en sa faveur une compensation.

J’ai vu au palais de Versailles la fameuse Smala, chef-d’œuvre d’Horace Vernet, qui a soixante-six pieds de long sur seize de hauteur. L’effet qu’a produit sur moi ce tableau-galerie m’a donné la mesure de l’homme, et m’a dégoûté pour jamais de sa"peinture. Je ne sais si le lecteur se rappelle l’épigramme de Racine sur la Judith de Boyer :

A sa Judith Boyer, par aventure,

Était assis près d’un riche caissier.

Bien aise était, car le bon financier