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ÉVOLUTION HISTORIQUE

tout cet art classique, romantique, fantaisiste, païen, renaissance ou moyen âge ? N’est-ce pas au contraire le comble de l’irrationalité ? J’admets que dans la peinture de David il y a du moins ceci de vrai : que les Grecs et les Latins que nous lisons au collége ont contribué à notre révolution ; j’admets, par la même raison, que dans les tableaux d’E. Delacroix, d’Ary Scheffer et autres, il existe cette portioncule de vérité, que pendant un temps notre littérature s’est saturée d’imitations shakespeariennes, de réminiscences orientales et du moyen âge. Mais qui ne voit que cette espèce de vérité est un mensonge de plus ; que cette rationalité est une réduction à l’absurde, puisqu’elle nous accuse nous-mêmes dans ce que nous avons de plus intime, nos institutions, notre littérature et notre langue ? Je demande donc, je demande avec instance que l’art redevienne chez nous, comme il fut jadis, un art vrai ; faute de quoi il n’est pas même digne de figurer, à titre archéologique ou de transition, dans nos musées ; il n’appartient pas à l’histoire.

Je n’ai pas vu, que je me souvienne, le tableau de Léopold Robert, les Moissonneurs ; mais je l’ai souvent admiré dans les gravures qu’on en a publiées, mon imagination suppléant, par ses propres inventions, à ce qui m’échappait de l’original. Eh bien, me dira-t-on, voilà de la vérité, de la réalité, avec une suffisante dose d’idéal. C’est humain, populaire ; c’est na-