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ÉVOLUTION HISTORIQUE

cette Furie, dont la face hideuse a été calquée sur un masque de tragédie antique, et qui pousse la nation, dirai-je à la victoire ou à la défaite ? Quel engueulement ! quelle impatience du massacre ! Est-ce la Liberté, la Patrie, un Génie ami ? Pourquoi une figure si horrible ? Est-ce la Guerre appelant les citoyens aux armes et chantant la Marseillaise ? Mais la guerre, eu des temps pareils et dans la pensée de l’artiste, est chose juste : Bellone est la même que Pallas ; ce n’est point un monstre sorti des enfers pour l’extermination du genre humain ; c’est la Justice armée, qui d’une main porte le glaive, et de l’autre tient l’olivier. Rude a cédé à l’excitation d’une énergie outrée ; en exagérant l’héroïsme, il est tombé dans la charge, et ce qui a rendu son œuvre équivoque, c’est qu’après l’avoir conçue comme une allégorie classique, il L’a exécutée en style romantique : il tenait à cette grande bouche de la Bellone, puisqu’il l’a reproduite dans la statue du maréchal Ney, qui se voit au Luxembourg. C’est ainsi que les artistes aiment à se répéter. Mais voyez le malheur : le cri de Ney est tout aussi équivoque,, aussi déplaisant à voir que celui de la Tisiphone de l’Arc de triomphe. On se demande si c’est le Ney de Waterloo conduisant en désespéré ses escadrons de cuirassiers sur les carrés anglais, ou le Ney de Lons-le-Saunier, cherchant à entraîner, au cri de vive le roi ! ses soldats immobiles contre le revenant de l’île d’Elbe. Et quand