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ÉVOLUTION HISTORIQUE

pect. Et tenez, voici justement le Boissy d’Anglas : l’auteur, avec son énergie habituelle, a bien rendu le tumulte de la scène, la fureur de l’émeute, l’effroi de l’assemblée, la constance admirable du président. La manière dont la tête de Féraud se présente au bout d’une longue pique laisse à désirer : le ridicule touche ici à l’atroce. Mais ce que le peintre n’a pas vu, et qui fait de son esquisse, où la cause du peuple est complètement méconnue et sacrifiée, une injustice de l’art, c’est que l’insurrection de prairial fut provoquée par la réaction thermidorienne ; que si, dans cette déplorable journée, la légalité fut pour la Convention, on ne peut pas dire que le droit était contre le peuple ; que les députés qui appuyaient l'émeute étaient d’aussi honnêtes gens, pour le moins, que le député conservateur Féraud ; et que les quatre têtes que fit tomber, à quelques jours de là, la guillotine des modérés, payèrent au quadruple celle qu’avait tranchée l’aveugle colère de la masse. Voilà ce qu’il était du devoir de l’artiste de comprendre et de faire sentir, ce n’est pas à moi de dire comment ; voilà ce que le tableau de Delacroix dissimule, et ce qui répand sur cet ouvrage le même louche, ce qui produit la même impression de doute et de mécontentement que nous avons reprochée plus haut au Serment du Jeu de paume, de David. Il est vrai que Delacroix, fils d’un conventionnel qui, dit son biographe, ne fit qu’un saut de la Terreur à l’Empire, ne