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et aristocraties, empires démocratiques et monarchies constitutionnelles, qui tous sous ce rapport ont fidèlement obéi à leur idéal. De là sont sortis les rêves messianiques et tous les essais de monarchie ou république universelle.


Dans ces systèmes l’englobement n’a pas de fin ; c’est là qu’on peut dire que l’idée de frontière naturelle est une fiction, ou pour mieux dire une supercherie politique ; c’est là que les fleuves, les montagnes et les mers sont considérés, non plus comme des limites territoriales, mais comme des obstacles dont il appartient à la liberté du souverain et de la nation de triompher. Et la raison du principe le veut ainsi : la faculté de posséder, d’accumuler, de commander et d’exploiter est indéfinie, elle n’a de bornes que l’univers. Le plus fameux exemple de cet accaparement de territoires et de populations, en dépit des montagnes, des fleuves, des forêts, des mers et des déserts, a été celui de l’Empire romain, ayant son centre et sa capitale dans une péninsule, au sein d’une vaste mer, et ses provinces à l’entour, aussi loin que pouvaient atteindre les armées et les fiscaux.


Tout État est de sa nature annexionniste. Rien n’arrête sa marche envahissante, si ce n’est la rencontre d’un autre État, envahisseur comme lui et capable de se défendre. Les prêcheurs de nationalité les plus ardents ne se font faute, à l’occasion, de se contredire, dès qu’il y va de l’intérêt, à plus forte raison de la sûreté de leur pays : qui, dans la démocratie française, aurait osé réclamer contre la réunion de la Savoie et de Nice ? Il n’est même pas rare de voir les