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saire, est elle-même nécessaire : c’est que le principe d’autorité paraissant le premier, servant de matière ou de sujet d’élaboration à la Liberté, à la raison et au droit, est peu à peu subordonné par le principe juridique, rationaliste et libéral ; le chef d’État, d’abord inviolable, irresponsable, absolu, comme le père dans la famille, devient justiciable de la raison, premier sujet de la loi, finalement simple agent, instrument ou serviteur de la Liberté elle-même.


Cette troisième proposition est aussi certaine que les deux premières, à l’abri de toute équivoque et contradiction, et hautement attestée par l’histoire. Dans la lutte éternelle des deux principes, la Révolution française, de même que la Réforme, apparaît comme une ère diacritique. Elle marque le moment où, dans l’ordre politique, la Liberté a pris officiellement le pas sur l’Autorité, de même que la Réforme avait marqué l’instant où, dans l’ordre religieux, le libre examen a pris l’emport sur la foi. Depuis Luther la croyance est devenue partout raisonneuse ; l’orthodoxie aussi bien que l’hérésie a prétendu conduire par la raison l’homme à la foi ; le précepte de saint Paul, rationabile sit obsequinm vestrum, que votre obéissance soit raisonnable, a été largement commenté et mis en pratique ; Rome s’est mise à discuter comme Genève ; la religion a tendu à se faire science ; la soumission à l’Église s’est entourée de tant de conditions et de réserves que, sauf la différence des articles de foi, il n’y a plus eu de différence entre le chrétien et l’incrédule. Ils ne sont pas de même opinion, voilà tout ; du reste, pensée, raison, conscience chez tous deux se comportent de même. Pareillement, depuis la Révolution française, le