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Pour obvier à ce vice de leur nature, les gouvernements monarchiques ont été conduits à s’appliquer, dans une mesure plus ou moins large, les formes de la liberté, notamment la séparation des pouvoirs ou le partage de la souveraineté.


La raison de cette modification est facile à saisir. Si un homme seul a peine à suffire à l’exploitation d’un domaine de cent hectares, d’une manufacture occupant quelques centaines d’ouvriers, à l’administration d’une commune de cinq à six mille habitants, comment porterait-il le fardeau d’un empire de quarante millions d’hommes ? Ici donc la monarchie a dû s’incliner devant ce double principe, emprunté à l’économie politique : 1o que la plus grande somme de travail est fournie et la plus grande valeur produite, quand le travailleur est libre et qu’il agit pour son compte comme entrepreneur et propriétaire ; 2o que la qualité du produit ou service est d’autant meilleure, que le producteur connaît mieux sa partie et s’y consacre exclusivement. Il y a encore une autre raison de cet emprunt fait par la monarchie à la démocratie, c’est que la richesse sociale s’augmente proportionnellement à la division et à l’engrenage des industries, ce qui signifie, en politique, que le gouvernement sera d’autant meilleur et offrira moins de danger pour le prince, que les fonctions seront mieux distinguées et équilibrées : chose impossible dans le régime absolutiste. Voilà comment les princes ont été conduits à se républicaniser, pour ainsi dire, eux-mêmes, afin d’échapper à une ruine inévitable : les dernières années en ont offert d’éclatants exemples, en Piémont, en Autriche et en Russie.