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L’ordre politique repose fondamentalement sur deux principes contraires, l’Autorité et la Liberté : le premier initiateur, le second déterminateur ; celui-ci ayant pour corollaire la raison libre, celui-là la foi qui obéit.


Contre cette première proposition, je ne pense pas qu’il s’élève une seule voix. L’Autorité et la Liberté sont aussi anciennes dans le monde que la race humaine : elles naissent avec nous, et se perpétuent en chacun de nous. Remarquons seulement une chose, à laquelle peu de lecteurs feraient d’eux-mêmes attention : ces deux principes forment, pour ainsi dire, un couple, dont les deux termes, indissolublement liés l’un à l’autre, sont néanmoins irréductibles l’un dans l’autre, et restent, quoi que nous fassions, en lutte perpétuelle. L’Autorité suppose invinciblement une Liberté qui la reconnaît ou la nie ; la Liberté à son tour, dans le sens politique du mot, suppose également une Autorité qui traite avec elle, la refrène ou la tolère. Supprimez l’une des deux, l’autre n’a plus de sens : l’Autorité, sans une Liberté qui discute, résiste ou se soumet, est un vain mot ; la Liberté, sans une Autorité qui lui fasse contre-poids, est un non-sens.


Le principe d’Autorité, principe familial, patriarcal, magistral, monarchique, théocratique, tendant à la hiérarchie, à la centralisation, à l’absorption, est donné par la Nature, donc essentiellement fatal ou divin, comme l’on voudra. Son action, combattue, entravée par le principe contraire, peut indéfiniment s’étendre ou se restreindre, mais sans pouvoir s’annihiler jamais.