Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.

autre que le prétorianisme demandant à être rétabli dans la solde et les priviléges que lui avait attribués Caracalla. Quelques gouverneurs de provinces refusent de reconnaître l’élection d’Élagabal : les noms glorieux d’Antonin et de Sévère qu’affecte le jeune empereur triomphent de toutes les résistances ; les révoltés sont mis à mort.

Jusqu’ici, rien qui sorte des données ordinaires de l’histoire. Mais que sera Élagabal sous la pourpre ? Quelle influence va-t-il représenter ? Quel est son caractère devant la postérité ?

Élagabal était petit-neveu de Julie la Syrienne, femme bel-esprit, adonnée à toutes les curiosités religieuses du temps, que Sévère avait épousée par amour, en dépit de l’aversion bien connue des Romains pour les étrangères. Avec Julie, l’esprit des Cléopâtre, des Bérénice, esprit de superstition voluptueuse, monta sur le trône. C’était le temps de la plus grande vogue du gnosticisime. Après le meurtre de Caracalla, Soémis, mère d’Élagabal, soit prudence, soit dévotion, l’avait caché dans le temple d’Émèse. C’est ainsi qu’au moyen âge, et jusqu’à la Révolution française, on se débarrassait des cadets de famille et des prétendants à la couronne en les faisant entrer en religion.

Quelle fut l’éducation d’Élagabal ? On peut en juger par les faits et gestes de son règne. Sans doute l’Histoire augustine en aura exagéré les traits ; mais il faut les prendre tels que la satire les a transmis : la vérité, pour l’histoire comme pour le drame, est bien souvent dans la charge.

Élagabal est l’empereur devenu mystique, d’une mysticité érotique. Il part d’Asie pour venir à Rome se présenter au peuple. Son voyage est une procession religieuse, qui dure quatre mois. Enfin il entre dans la ville éternelle, vêtu d’une robe de soie traînante, le visage fardé, les sourcils peints, semblable à une idole, le front surmonté d’une tiare orientale, conduisant, dans une attitude extatique, le char où repose son dieu favori. C’était une pierre noire (probablement un aérolithe), taillée en cône ou phallus et enchâssée de pierreries. De jeunes Syriennes se livrent, autour du char, à des danses lascives ; les parfums les plus rares, les vins les plus exquis, tout est pro-