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faire aux exigences d’une administration unitaire, marcher à l’égalité devant la loi, à la fusion des races et des territoires : toutes choses impossibles. La position des empereurs était fausse. Sollicitée par tant d’intérêts contraires, leur administration dégénéra fatalement en système à bascule, dès lors en butte à toutes les influences mauvaises qui travaillaient l’empire. Auguste et les Antonins surent maintenir l’équilibre : cela ne pouvait avoir qu’un temps. Ceux-là exceptés, les autres ne font plus qu’exprimer, à des degrés et sous des aspects divers, l’iniquité de leur rôle, par la dépravation de leur idéal.

Dépravation par les lettres, les arts, la philosophie épicurienne, l’imitation des mœurs grecques et asiatiques. — Auguste, malgré la simplicité affectée de son ménage, visant au bel esprit, à l’érudition, abâtardit son caractère ; Antoine mène la vie inimitable de Sardanapale ; Néron est artiste, déclamateur, chanteur ; Claude, grammairien. Gallien perd joyeusement l’empire, occupé de petits vers et de fins soupers, pendant que son père sert de marchepied au Perse Sapor.

Dépravation par la plèbe, féroce et avide : — Caligula, Néron, Commode, les plus populaires des empereurs.

Dépravation par le soldat : — Caracalla, Maximin.

Dépravation par la superstition et les femmes : — Élagabal, Alexandre-Sévère.

Dépravation par lui-même : tout idéalisme que ne gouverne pas la Justice se déforme bientôt par la contemption de la Justice. — César, dictateur à vie, est exempté personnellement de toute loi ; Auguste, prince du sénat, cumule toutes les dignités et les honneurs : sous lui, le triomphe devient le privilége du titre impérial ; Septime-Sévère s’affranchit du suffrage du sénat et du peuple ; Aurélien prend le diadème, dont le seul essai avait coûté la vie à César ; Dioclétien s’installe à Nicomédie, et de