Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Après Jules César, qui reste le maître de tous et le modèle, la liste des empereurs compte certes plus d’un héros. Quels hommes, abstraction faite de la diversité de leurs fortunes, qu’un Vespasien, un Trajan, un Adrien, un Antonin, un Marc-Aurèle, un Septime-Sévère, un Dèce, un Valérien, un Aurélien, un Probus, un Carus, un Dioclétien, un Constantin, un Valentinien, un Théodose !… Toujours à cheval, parcourant l’empire d’une extrémité à l’autre, goûtant à peine une heure de cette paix dont ils faisaient jouir les peuples : vrais consuls, vrais magistrats, vrais Romains !… Les républiques n’ont pas d’hommes que l’histoire élève au-dessus d’eux.

Mais, parce qu’ils sont la personnification d’un idéal suranné ; parce que leur autocratie, inventée pour la guerre, est inconciliable avec le droit, seul principe dont subsistent les États, ils succombent tous à la tâche. Le découragement les gagne : ils n’ont pas même foi en leur rôle. Auguste, Vespasien, Antonin le Pieux, vivent et meurent en sceptiques ; Trajan périt de fatigue et de désespoir ; Marc-Aurèle se réfugie dans le stoïcisme ; Septime-Sévère s’écrie sur son lit de mort : J’ai été tout, et rien ne sert ! Aurélien méprise la plèbe et fuit Rome ; Probus rêve la fin du prétorianisme, le désarmement général et le retour à la république ; Constantin abjure Rome, ses lois, ses dieux, et se fait chrétien !… Or, quand le trouble saisit les forts, quelle pourrait être la pensée des lâches et de la marmaille ?

L’empire, fondé par l’idéalisme, aux prises avec la réalité, présentait un problème insoluble. Ce n’était pas tout que de donner à la plèbe l’annone et les jeux ; il fallait faire justice aux provinces, accorder chaque jour aux cités quelque nouveau privilége, étendre l’immunité civique, réparer sans cesse, par les affranchissements, le déficit de la population libre ; il fallait, bon gré mal gré, satis-