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aussi l’écueil de sa puissance. Saura-t-elle comprendre la parole de son prophète : Souviens-toi, Romain, que ton métier est de gouverner les nations par le droit, et de leur imposer les mœurs de la paix ? Tu regere imperio populos, Romane, memento ;… pacisque imponere morem.

Ici apparaît dans son éclat une vérité encore peu comprise.

Au fond, et quelque étalage que Rome fît de son niveau plébéien, du droit de cité qu’elle offrait aux peuples, de la paix que promettait aux intérêts le colosse impérial, la conquête du monde était une épouvantable injustice. Il n’y a pas de nation sans nationalité : l’observation le prouve tous les jours, et c’est une des lois les mieux démontrées de l’économie sociale. De même que l’état particulier se forme de l’agglomération de groupes industriels et de circonscriptions territoriales, unis par un contrat de mutualité et balancés les uns par les autres ; de même la catholicité des peuples se compose d’états unis par un lien fédératif, conformément à la loi de Justice commutative qui fait la base de tous les états.

Or, à présent que le pouvoir impérial, soutenu par la plèbe latine et les nations vaincues, s’était élevé sur les ruines de la puissance patricienne, qu’allait-il faire pour l’ordre du monde ? Comment entendrait-il le gouvernement de tant de peuples divers, qui l’avaient appuyé dans l’espoir d’un adoucissement à leur servitude indigène ?

Le plan des empereurs, aujourd’hui parfaitement expliqué, était séduisant :

Communication progressive du droit de cité aux nations vaincues ;

Le sénat composé de toutes les notabilités romaines et provinciales ;