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même plus que par les soldats du Tibre : cela fait, César devient l’idéal des braves Gaulois. Il y parut quand la bourgeoisie, abandonnant druides, nobles et plèbe, reconnut la souveraineté de Rome : le temple élevé au dieu Auguste au confluent du Rhône et de la Saône fut l’acte d’abdication de la vieille Gaule.

L’idée du droit, qui retint dans l’obédience de Rome tant de peuples divers, ne fut sans doute pas pour rien dans la soumission des cités gauloises. Mais le Gaulois, par son tempérament gouvernemental, confond la Justice avec la police ; il est toujours prêt à saluer dans le dernier vainqueur son magistrat. À l’arrivée des barbares, un moment refoulés par Aétius, bourgeois et évêques se montrent aussi empressés vis-à-vis des rois chevelus que leurs aïeux l’avaient été vis-à-vis des Césars. De même que les dieux de Rome avaient succédé à ceux des Druides, et le christianisme au culte du Capitole, tout de même le droit romain fut englouti par la loi salienne, le municipe par l’alleu, devenu plus tard le fief.

Jamais race, avec une pareille dose de vanité, ne se montra plus dépourvue de dignité et de sens moral, plus prompte à abdiquer sa personnalité et son caractère. Langue, culte, origines, traditions, mœurs, poésie, jusqu’à notre nom, nous avons tout perdu. Et nous eussions résisté aux empereurs !… À quoi avait-elle cœur cette fière Gaule ? Qui le sait ? Dites-moi à quoi elle a cœur aujourd’hui, et je vous dirai à quoi elle rêvait aux temps de César et de Mérovée…

XXX

C’en est fait, Rome est maîtresse. Comment va-t-elle user de la victoire ? Cet empire que le prestige du droit, soutenu de la force des armes, a rendu universel, le droit seul peut le perpétuer : là est la mission de Rome, là est