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comme qui dirait les puritains, dont les innombrables sectes la travaillèrent si longtemps, révèle les corruptions de l’Église. C’était fait d’elle, lorsque la persécution insensée de Galérius rendit l’énergie au troupeau, que vint ensuite, fort à propos, ravitailler Constantin.

Après la défaite de Maxence et de Licinius, la dissolution recommence de plus belle. Elle est arrêtée par les Barbares, qui, singeant Rome et les empereurs, donnent à l’Église l’appoint précieux de leur conversion.

Ce sang jeune et frais soutient la chrétienté. Mais l’idéal ne tient pas plus avec les Barbares qu’avec les Romains et les Grecs. La débauche est au comble. Dès le onzième siècle, Grégoire VII, Urbain II, Innocent III, n’y voient de remède que dans le célibat ecclésiastique et les croisades.

Philippe le Bel jette la papauté à Avignon. Mais le mal n’est pas dans la papauté : il est dans l’idéal dont le pape est le vicaire. L’infection monte toujours ; elle s’étale à Constance et devient insupportable sous Léon X : alors, ce fut Luther qui appliqua le cataplasme. Le salut de l’Église coûta à l’Europe cent trente ans de guerre civile, des proscriptions effroyables et la Compagnie de Jésus. Il n’y eut de réformés que ceux qui, à l’exemple de Rabelais, prirent le parti de siffler à la fois protestants et orthodoxes.

À Pantagruel commence à poindre la liberté, et j’ose dire la morale. Pantagruel est l’écrasement de l’idéal, le précurseur de Voltaire, la Révolution. Mais qui comprend, aujourd’hui même, le divin Pantagruel ? Nous avons entendu M. de Lamartine traiter Rabelais d’infâme cynique ! Pareille insulte devait lui venir du plus mou et du plus efféminé de nos idéalistes. Rabelais est chaste entre tous les écrivains, et Pantagruel honorable entre tous les héros.