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Si mes paroles vous semblent amères, tournez-vous un instant, et vous ne les trouverez que justes.

La transcendance, en posant Dieu, c’est-à-dire la catégorie de l’idéal, comme principe de la raison pratique, sujet, révélateur et garant de la Justice, a abouti, par le culte de cet idéal, à la déchéance de la dignité humaine ; par la prédestination et la grâce, à la négation de l’égalité ; par la Providence, au fatalisme de la raison d’État ; par le probabilisme, à la corruption de l’entendement et aux hypocrisies de la science ; par le spiritualisme, à l’asservissement du travailleur ; par la duplicité de la conscience, au doute moral ; par le quiétisme, à l’inertie des populations, livrées comme des troupeaux à la consommation de leurs pasteurs ; par la haine de la nature, la peur de l’enfer, la promesse du paradis, aux misères de la vie et aux lâchetés de la mort.

Comment vous, directeurs des consciences, dont le regard plonge si avant dans les mystères de l’âme, qui connaissez de si longue date la séduction de l’idéal et sa stérilité ; qui dénoncez avec tant de verve le Monde, ce qui veut dire l’idéal, et ses pompes et ses œuvres ; qui avez reconnu, avec une si haute raison, dans l’Idolâtrie, autre nom de l’idéal, le principe du péché ; qui avez nommé concupiscence l’attrait presque irrésistible de l’idéal, délectation le plaisir, physique ou animique, qu’il procure ; qui avez fait de Vénus, de Cupidon, de Porus, de Plutus, de Comus, idéalisations de la volupté, autant de péchés capitaux, comment n’avez-vous pas vu que le principe de votre religion était le même que celui de votre damnation ; qu’à ce point de vue le christianisme n’était encore, comme toujours, qu’une symbolique de la Justice ; qu’ainsi tout idéalisme, métaphysique, politique, esthétique, gastrosophique ou libidineux, se résolvait dans l’idéalisme théologique ou adoration de l’absolu ; consé-