Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’homme juste jouit de cet avantage. Par l’habitude qu’il s’est faite de bonne heure de tout ce qui est moralement bon et honnête, chez lui la générosité ne déchoit point, le courage persiste et la raison ne fait qu’y ajouter sa dignité ; le feu sacré de la conscience entretient la chaleur du sang et la lumière de l’intelligence. Au lieu de déchoir par les années, il cumule, par la Justice sans cesse accomplie, toutes les dispositions heureuses de la première moitié de sa vie ; il triomphe de l’animalité par la vertu et meurt dans la gloire. Le juste est toujours jeune.

Pour représenter une semblable existence, le cercle manque de vérité ; la parabole, dont le rayon grandit sans cesse, convient mieux.

Or, tel se montre l’individu que gouverne la Justice, telle sera la société.

Là où les instincts dominent seuls, de quelque nom qu’on les appelle, intérêts, gloire et victoire, religion, idéal, l’existence politique et la vie nationale, plus ou moins prolongées, se partageront toujours en deux périodes fatales : ascension et décadence.

Là au contraire où la Justice est prépondérante, si incomplète qu’en soit la notion, le progrès sera continu, non-seulement dans la Justice et les libertés publiques, mais aussi dans la richesse, l’intelligence et toutes les facultés.

Dans une société établie sur le droit pur, la Justice et la liberté gagnant toujours, il implique contradiction que le temps amène sur aucun point du déchet. Chaque année de vertu ajoute au capital social et aux forces productrices : en sorte que l’être collectif, qui, par l’évolution des instincts, passe fatalement de la jeunesse à la décrépitude, jouit par la Justice d’une recrudescence perpétuelle de santé, de beauté, de génie et d’honneur.