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solu ; elle doit s’affaiblir progressivement par la rectification du droit, et son équation avec l’idéal.

XX

Voilà toute la théorie du Progrès : une théorie de l’origine du mal moral, ou de la cause qui arrête et fait rétrograder l’homme dans la Justice, cause qui s’explique par un défaut d’équilibre entre le droit et l’idéal. À proprement parler il n’y a pas de théorie du Progrès, puisque le Progrès est donné par cela seul que l’homme possède la Justice et qu’il est libre ; il n’y a qu’une théorie du péché ou de la rétrogradation.

Reprenons-la, cette théorie, théologique dans les termes, au fond si peu chrétienne, et que la Révolution a le droit de revendiquer comme l’article fondamental de son éthique.

L’homme ne veut pas le mal ; il rêve le sublime et le beau, cherche, de toute l’énergie de sa liberté, l’idéal. Cet idéal, il tend à le réaliser, d’abord en lui-même par la Justice, puis par une sorte d’extension aux choses de l’idéal que son âme a conçu pour elle-même, dont elle seule est le principe, le sujet et la fin. De là les œuvres extérieures de la liberté, dans la métaphysique, la théologie, la poésie, l’art, la politique, l’économie sociale, la science et l’industrie. Dans la liberté, l’univers et l’humanité ne forment plus qu’un règne, le règne de l’idéal.

Mais l’homme ne connaît d’abord qu’imparfaitement la loi de ses mœurs ; l’expérience lui fait bientôt sentir combien ses rapports juridiques sont imparfaits et répondent peu à la sublimité de ses idoles. C’est alors qu’il résiste : il s’attache à sa religion comme à la source même de toute Justice ; aux œuvres de son art, comme aux gages de sa vertu première ; bref, de justicier qu’il veut être il devient idolâtre, et par le fait pécheur. Ce n’est