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trable, d’un moi cosmique, comme qui dirait d’une Humanité universelle.

Que sont ces trinités divines que l’on voit se dégager de toutes les mythologies, sinon la première catégorisation de l’âme humaine, individuelle et collective, dans ses puissances fondamentales ? La Révolution n’a pas manqué de la reproduire dans sa devise fameuse ; aucune philosophie du dix-neuvième siècle n’a pu s’en détacher.

Vos anges ne sont-ils pas ces forces collectives que l’économie nous révèle, et dont l’équilibre fait l’objet du droit public et du droit des gens ?

Que vous dirai-je plus ? Votre grâce n’est-elle pas cette faculté de l’idéal que la nature a mise en nous pour servir d’excitation perpétuelle à la Justice ? Vos sacrements les initiations de la famille et de la société ? Votre péché originel une parabole de l’état de nature, dont la civilisation nous affranchit tous les jours ? Votre culte de la Vierge une allégorie du mariage ? Votre résurrection le rafraîchissement incessant de l’espèce, dans laquelle se conservent éternellement les formes, les tempéraments, les caractères, les idées et les affections des défunts ? Plus l’humanité vieillit, plus il s’amasse d’amour en ses entrailles ; quelle idée plus touchante pouvez-vous vous faire de votre destinée, chrétien que la mort terrifie ?…… Votre enfer et votre paradis, enfin, ne les retrouvez-vous pas tout entiers dans la sanction, pénale ou rémunératrice, qui accompagne le vice et la vertu ? Vous l’enseignez vous-même dans votre théologie : la véritable peine du damné est la peine du dam ; par quel matérialisme y ajoutez-vous la peine du sens ?

Ce n’est pas à moi, philosophe de la Révolution, de rechercher comment pourrait s’accorder cette interprétation allégorique du christianisme avec la foi réaliste et littérale de l’Église : ceci vous regarde exclusivement.