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la discipline des passions ; mais, comme celle de Descartes aussi, elle est toute métaphysique, consiste en une déduction du concept de substance ou de Dieu, ce qui conduit le philosophe à la négation dogmatique de la liberté, partant du droit. Malebranche, le Spinoza chrétien, voit tout en Dieu, trouve la certitude en Dieu. Or, comme le Dieu de Malebranche est ou prétend être libre, qu’il est législateur, prévoyant, sujet de la Justice, on peut dire que Malebranche fait de la symbolique sans le savoir, et que sa philosophie, comme le christianisme qu’elle sert, est une allégorie de l’immanence, une prophétie de la Révolution. Pascal, enfin, et les solitaires de Port-Royal, Bossuet, Fénelon, Leibnitz, Kant lui-même et Fichte, autant que Lessing et Jacobi, sont d’accord pour faire de l’éthique le cœur et l’âme de la philosophie.

Puis donc que, d’après tous les témoignages, la Justice est le véritable objet que poursuivent les philosophes ; puisque c’est en elle que le vrai, l’utile, le beau, trouvent leur garantie et leur identité ; puisqu’enfin, pour la saisir, nous avons dû la chercher dans l’humanité même et ses manifestations, abandonner pour cela les régions imaginaires de l’absolu, et nous en tenir à l’observation des phénomènes et de leurs lois, saluons la Justice comme la raison première et dernière de l’univers, formule éternelle des choses, idée qui soutient toute l’idée, loi qui s’affirme elle-même et se démontre par cela seul qu’elle s’affirme ; appliquons-lui la définition donnée par Spinoza de sa chimère de substance : Per causam sui intelligo id cujus essentia involvit existentiam.


Conclusion.


J’ai fini, Monseigneur. Allons-nous maintenant rester ennemis, et, quand je vais prendre congé de vous, refuserez-vous de me donner à baiser votre anneau pastoral ?