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Accorder la Justice comme loi essentielle de l’humanité, c’est accorder sa réalité comme puissance, c’est accorder toute la philosophie de la Révolution.

Inversement, attaquer cette philosophie sur un point, c’est attaquer la Justice non seulement dans sa réalité, mais dans son idée ; ce qui est impossible.

Quel nom lui donner à cette philosophie de la Révolution, qui n’est évidemment pas du théisme, mais qui n’est pas non plus de l’athéisme, ni du panthéisme, ni du spiritualisme, ni du matérialisme ; qui n’est pas l’éclectisme, bien qu’elle réalise tous les vœux de l’électisme ; qu’on ne saurait davantage appeler mysticisme, épicurisme, sensualisme, nominalisme ou réalisme, philosophie de l’absolu ou philosophie de l’idéal ? Car toute philosophie doit avoir un nom, comme le philosophe ou l’école qui la produit.

Laissons à l’avenir le soin de la définir, et appelons-la modestement éthique, ou Philosophie de l’Humanité.

De tout temps les philosophes ont pressenti que la science des mœurs est le pivot, le foyer, la base et le sommet de la philosophie. Pythagore, Socrate, Platon, Héraclite, Zenon, Épicure, les cyniques, tous les philosophes grecs, en un mot, sont essentiellement moralistes. Cicéron, Virgile, Horace, ne parlent que devoirs et droits ; leur philosophie est toute pratique, toute morale. Descartes suit cette tradition, quand il fait de l’explication des passions le but de sa métaphysique, et qu’il imagine, dans cette vue, sa fameuse distinction de l’âme et du corps. Toutefois, comme la notion du droit, dans Descartes, est insignifiante, son traité des passions se réduit à une hygiène de l’âme : ce n’est guère plus de la morale que les aphorismes d’Hippocrate. Spinoza enchérit sur Descartes, et de toutes les manières : sa philosophie est intitulée éthique ; elle a pour but, comme celle de Descartes,