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toute morale qu’on les tue, qu’on les assassine. Céracchi, Topino-Lebrun et Aréna ; Georges Cadoudal, Saint-Régent, Moreau, Pichegru, Malet, sont encore plus des contradicteurs que des conspirateurs : aussi les transportations, les exécutions, l’enlèvement du duc d’Enghien, sont en pure perte. Le droit révolutionnaire méconnu, la scission est partout dans les idées et dans les choses : ni raison publique, ni foi publique, en un mot pas de spirituel. La bourgeoisie constitutionnelle, qui n’a pas détruit l’ancien régime pour courber la tête sous le joug d’un soldat, n’attend qu’une occasion ; elle se présente en 1814 : appuyé par l’étranger, le Sénat conservateur prononce la déchéance de Napoléon.

Pour remonter sur le trône de leurs pères, qu’en coûta-t-il aux Bourbons ? Une charte. La Charte, c’est la promesse de constituer le spirituel de la Révolution. Oublions la réaction de 1815 ; ne prenons pas les actes d’une situation violente pour des actes de tyrannie. Est-ce que Louis XVIII et Charles X furent des tyrans ? Cependant les conspirations se multiplient autour d’eux, essentiellement bourgeoises, dirigées par Manuel, Benjamin Constant, La Fayette, Foy, chantées par Béranger, caressées par le duc d’Orléans. La pensée qui, en 1820, conduit le poignard de Louvel, est la même que celle qui joua pendant quinze ans la comédie. Et pourquoi cette sainte horreur de la Restauration ? Analysez les prétendus griefs, réduisez ce fatras de déclamations à son expression la plus simple, vous trouverez que le véritable reproche qu’on adresse aux Bourbons est de suivre, faute de mieux, l’esprit chrétien, de n’avoir pas l’esprit de la Révolution.

Elle règne enfin cette bourgeoisie puritaine, si jalouse de ses institutions de 89 : sans doute elle va nous dire ce qu’est pour elle la Révolution. Non : elle est foncièrement matérialiste, éclectique tout au plus, sans principe,