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ses représentants pour coopérer avec le prince au nouvel établissement social et politique. Tout se passe d’abord avec calme : c’est le moment de la popularité de Louis XVI ; il est le père de la patrie ; la France est sa famille : la devise fameuse, la Nation, la Loi, le Roi, imprimée sur toutes les monnaies, en exprime du moins le vœu. Tous sont animés du même esprit ; mais quel est cet esprit ? Personne ne le peut définir ; il reste enveloppé dans d’obscurs oracles, ou se manifeste par des coups de tonnerre, qui fanatisent la multitude, terrifient les aristocrates. De nouveau la scission éclate entre le spirituel et le temporel, bien moins par la protestation de l’Église, que son dogme plaçait naturellement hors de la Révolution, que par l’apostasie involontaire des représentants qui, après avoir dépouillé le clergé, nié son droit divin, élevé la tolérance au-dessus de la religion, continuent cependant à confier à l’ancien sacerdoce la direction du spirituel.

De ce moment la Révolution paraissant, comme on l’a tant répété de fois, hors le droit et hors la morale, le régicide entre dans sa pratique ; il fait, pour ainsi dire, partie de sa profession de foi. Le premier acte par lequel l’esprit de révolte se manifeste est le serment du Jeu de paume : pas un Français qui n’y applaudisse. Quels sont les auteurs de ce fameux serment ? Remarquez ceci : des bourgeois, des hommes d’ordre avant tout, auxquels se rallie une partie des députés de la noblesse et du clergé.

Le serment du Jeu de paume aboutit à l’exécution du 21 janvier. Qui la vota ? Des bourgeois encore, des hommes d’ordre, et notez que s’ils se divisèrent sur la peine, ils furent unanimes pour la condamnation. Par cette unanimité la Convention affirmait l’existence d’un nouvel ordre spirituel, auquel Louis XVI, fidèle à sa tradition, avait failli.

Louis XVI mort, l’attentat politique est en perma-