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des partis et des nations, de cette hypothèse : s’il est permis de mettre à mort un tyran ? ce tyran fût-il Néron ou Tibère, pas plus que de ces autres : S’il est permis de se parjurer avec un parjure ; S’il est permis à un fils, dans certains cas, de tuer son père ; Si le mari qui surprend sa femme en adultère a le droit et le devoir de la poignarder. Le jury, je le répète, peut, selon les circonstances, trouver des atténuations : je crois qu’il eût été plus moral, par exemple, de jeter Ravaillac dans un couvent, en considération de son fanatisme, que de l’écarteler. Ce sont là sujets de tragédie, non questions de droit : la Justice, qui ne veut jamais la mort du pécheur, ne peut pas non plus glorifier celui qui, sous prétexte de la sauver, lui fait outrage ; et toujours la conscience publique, revenue de son emportement, se séparera de qui fut parjure, même pour le service d’une sainte cause, ou assassin.

Citoyens, pour faire le procès au chef de l’état, il faudrait que nous fussions en état de grâce, et nous avons perdu jusqu’à la notion du droit. Nous ressemblons à une nation de contrebandiers : nous traitons la Justice comme la douane ; chacun demande protection pour la marchandise qu’il vend, liberté pour celle qu’il achète, et comme les deux ne peuvent aller ensemble, tout le monde se livre à la fraude. Pas vu, pas pris ; celui qui se laisse saisir paye l’amende, mais n’est point déshonoré. Sur ce les plus harcelés posent la question : Si, la liberté du commerce étant de droit naturel, il est permis de résister à la douane, même par les armes ? À quoi je réponds : Faites la balance des forces et des services, et vous n’aurez plus affaire du douanier. Hors de là, vous êtes des fripons et des brigands.

Comment alors, me demandez-vous, sortir de cette situation atroce qui nous tient, comme un dilemme aux