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car vous êtes devenus méchants ; vous adorerez un maître, et vous le haïrez tout en l’adorant, et vous le tuerez. Mais vous le tuerez en vain, parce que ce maître c’est vous ; et quoi qu’il ait fait vous ne le tuerez pas sans crime, parce que le vrai coupable c’est encore vous.

Le régicide, enfin, ne résout rien, il empêche même les solutions de se produire ; par là il se retourne contre le parti qui l’emploie, et dont il devient la condamnation.

Pendant douze siècles, depuis la fin de l’empire d’Occident jusqu’à la Révolution française, l’Italie fait un usage continuel de l’assassinat politique et de la proscription. C’est en Italie qu’est née cette idée stupide, importée en France par Pianori, Tibaldi, Orsini, de couper court aux difficultés sans combat, sans émeute, sans bruit, par la suppression pure et simple de l’homme qu’on juge être un embarras. À quoi l’Italie a-t-elle abouti ? Sait-elle seulement ce qu’elle veut et ce qu’elle est ? Ici on rêve l’unité ; là, la fédération ; Gioberti prêche la papauté constitutionnelle et libérale, et quand Rossi vient en faire l’essai, il tombe sous le couteau des démocrates. La mort de Rossi est le crime inexpiable de la démocratie romaine ; elle a fait plus de mal à l’Italie que l’occupation française. Orsini et consorts protestent contre l’occupation étrangère : pour faire cesser cette occupation ils appellent à grands cris l’étranger, et parce que l’étranger que l’Italie appelle ne se presse pas de chasser l’étranger qui l’occupe, on assassine cet étranger. Quel patriotisme !

Ravaillac fut de sa personne un régicide aussi respectable qu’on en vit oncques, pieux, désintéressé, simple de cœur, intrépide. En fut-il jamais de plus mal inspiré ? Si Henri IV vit encore dix ans, il épargne à la France la régence funeste de Marie de Médicis, abat l’influence espagnole, donne la main à Richelieu, qui, rendu plus fort par l’autorité du roi, plus assuré dans sa politique, aurait