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de barricades ; des ambitieux qui s’élèvent au pouvoir par le conflit des passions et des intérêts : voilà tout. Il se peut aussi que l’individu revêtu des insignes de la souveraineté ajoute par ses mœurs personnelles à la félonie de son usurpation : on peut dire qu’alors il réalise en sa personne le suicide social, résultant de la scission du temporel et du spirituel. C’est le spectacle que présente l’histoire si curieuse des empereurs romains. Fils du divorce, l’empereur sent qu’il n’a plus le souffle de vie ; il a conscience de son matérialisme ; il hait par conséquent, comme son antagoniste et son juge, cet esprit nouveau qui s’agite autour de lui ; il le défie et l’insulte par sa propre dépravation. Scélérat par désespoir, César ne tarde pas à tomber victime des siens : pourquoi les sectateurs de la foi nouvelle s’occuperaient-ils de sa chute ? Ils seraient insensés, criminels. Eux, les spirituels, rendre cet infortuné responsable de la corruption dont il est le représentant ! ce serait se faire ses complices, confesser leur indignité et leur impuissance.

Le régicide, en effet, n’aboutit pas, il ne peut pas aboutir ; pourquoi ? parce qu’il n’est pas un acte de la communauté juridique, qui seule peut régénérer la société ; il est le produit d’une communauté de péché. Quel homme, plus que César, mérita jamais, malgré sa clémence et toutes ses qualités aimables, l’épithète de tyran ? César, selon moi, fut justement puni, ce qui ne prouve pas du tout que ses meurtriers fussent innocents ; ce que je trouve même de beau dans l’acte de Brutus est l’insulte faite, en la personne du dictateur, à la plèbe féroce et imbécile. Mais quoi ! si vous frappez César, nobles conjurés, si vous brisez l’idole populaire, c’est que vous êtes meilleurs que César et son parti, apparemment ; c’est que vous avez ce qui lui manque, la religion de l’avenir. D’où vient donc cette antipathie que vous