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Le spirituel et le temporel demeurent séparés, et jusque dans la famille de Constantin le régicide exerce ses fureurs.

Constantin s’imagine qu’en transférant le siége de l’empire, il se rendra plus facilement maître de l’esprit nouveau : erreur. Le christianisme est la transformation du paganisme ; c’est au Panthéon, dans la métropole de l’idolâtrie, que le Christ, crucifié à Jérusalem, établit le siége de son gouvernement. Que César porte ses pénates où il voudra, à Nicomédie, à Paris, à Milan, à Ravenne : le pape garde Rome, il règne, et plus que l’empereur il commande.

Constantin dissout les gardes prétoriennes, c’est-à-dire qu’il détruit le dernier obstacle que rencontrât le despotisme, et rend ainsi plus irrévocable la scission sociale, par suite, l’antagonisme entre le Christ et César, entre l’Église et l’état. Aussi la vie des empereurs ne compte plus pour rien ; la majesté impériale devient le jouet des barbares, et l’utopie du césarisme s’évanouit, en Occident devant les nations germaniques qu’absorbe l’Église, en Orient devant les Sarrasins et les Turcs, que porte l’Islam.

L’empire détruit, il semble que rien n’empêche plus le monde de retrouver cet esprit de famille qu’exprimait jadis la fusion des deux pouvoirs. La logique le veut : c’est ce que fait l’Orient par l’institution du califat. Un instant l’Islam menace d’envahir l’Europe, et de supplanter, par la vertu de son unité, la religion du Christ. Mais le spirituel de Mahomet n’est pas à la hauteur de la civilisation occidentale ; antipathique au progrès, il ne tardera pas à déchoir, ou plutôt à faire déchoir les peuples qui lui confient la direction de leur conscience. Le Coran est donc écarté, mais seulement au profit de l’antagonisme, l’état résistant de toute sa force à l’absorption de l’Église, l’Église de son côté protestant sans cesse