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chambre d’enregistrement ; seuls, les avocats se font entendre dans les causes civiles et criminelles ; la noblesse, comme les femmes, est objet de luxe ; toute la religion se renferme dans les temples : bref, la famille romaine dissoute, la République est devenue un monstre, où le spirituel est un mot, le temporel une machine.

Le premier effet de cette exanimation de la République fut une réaction violente du parti des sénateurs. César, dictateur et souverain pontife, n’était plus le père de la patrie : c’était Saturne dévorant ses enfants. Il tombe frappé de vingt-deux coups de poignards. Et qui commande les conjurés ? Brutus, son fils d’adoption. À César commence la série des régicides, ou pour mieux dire des parricides politiques. Mais la plèbe est la plus forte ; elle repousse l’ancien spirituel ; tout en adorant les anciens dieux, more majorum, elle ne veut plus ni aristocratie, ni patronat ; elle abjure, quoi qu’elle dise, les mœurs des ancêtres, aspire à la liberté, à l’égalité, affirmant par conséquent un autre spirituel, une reconstitution de la grande famille, tout un nouvel ordre de choses. Mais quel ordre ? La plèbe est incapable de le dire, l’empereur incapable de le deviner. Aussi l’empire, malgré son immense travail de codification, n’est plus dans le droit ; il est, comme je l’ai dit ailleurs, dans l’idéal, sujet de la révolte par conséquent, justiciable de l’assassinat.

II

Il ne se peut pas cependant qu’une société se matérialise tout entière, que le spirituel s’absorbe dans le temporel, que, l’idéalisme suppléant la Justice, la vie de l’âme se réfugie dans les pompes du triomphe et les spectacles du cirque. Il faut que cette vie, épuisée par les guerres civiles, se renouvelle, ou que Rome, la reine des nations, disparaisse. Ainsi le sentaient Virgile et les