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temporel, avec part de surveillance pour l’Église ; les autres au spirituel, sous réserve d’intervention de l’État. Une analyse supérieure montrerait que toute distinction est impossible ; elle expliquerait ce que la pratique a partout révélé, l’impuissance d’arriver à une délimitation exacte : j’écarte cette discussion, pour le moment inutile.

Quel est maintenant, ramené à son expression la plus authentique, ce spirituel mystérieux, qui fait le fond de notre existence, qui en pénètre la matérialité, et, quand il est ruiné sous une forme, renaît aussitôt sous une autre ? Qu’est-ce que la religion ?

La religion, interprétée philosophiquement, est la symbolique de la conscience, de ses manifestations et de ses lois. C’est la poésie de la Justice, que nous avons définie la vénération de l’homme par l’homme.

Toute pensée de mysticisme écartée, on peut dire que le spirituel, dans une société, est le régime de la conscience, le système des droits et des devoirs.

Or, ainsi que nous l’avons démontré, la Justice est inerte dans une existence solitaire ; elle a besoin, pour agir, de se développer en une conscience commune, duelle ou plurielle ; c’est cette communauté de conscience qui, en dernière analyse, fait toute la force de la Justice. Supposez la communauté rompue, il n’y a plus de foi réciproque, plus de charité, plus de solidarité morale, plus d’institutions. Le mariage redevient partie de plaisir, la famille une charge de nature, un risque d’amour ; la cité, une agglomération, une rencontre. La théologie exprime tout cela à sa manière quand elle dit que la société a perdu sa religion, qu’elle n’a plus de vie spirituelle. Je dirai simplement, et ceux de mes lecteurs qui auront lu les deux précédentes études et le commencement de celle-ci comprendront ce langage, qu’une société ainsi faite a perdu son esprit de famille, elle a cessé d’être juste.