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rissent de mort violente ; le moyen âge est un long carnage de rois et de princes. L’Église elle-même, l’Église, oracle du droit divin, ne peut se défendre de cette grippe régicide. Plus qu’aucune autre puissance, elle a fourni son contingent de victimes ; et comme elle était frappée, elle frappait aussi. C’est elle qui donne le signal des attentats en déposant les princes et déliant les sujets du serment de fidélité ; c’est chez elle et dans la compagnie de Jésus que naît cette prétendue théorie de l’assassinat politique, à laquelle l’Italie a dû la perte de sa liberté, et qui finirait, si nous nous laissions séduire, par emporter la nôtre.

Ceux dont la philosophie attribue tout au hasard, ou, ce qui revient au même, à la perversité innée de l’homme, ne trouvent ici rien qui les embarrasse : ils y voient une preuve de plus du gâchis qui règne dans les affaires humaines, dès que la force, la superstition et la ruse, systématiquement unies, ont cessé de dominer les masses. Ceux-là sont les vrais assassins des sociétés et des rois : en niant la raison des premières, ils détruisent le respect des autres. Athées politiques, ils définiront le régicide un risque de gouvernement, comme ils définissent le vol un risque de propriété : il est vrai que contre ce double risque ils ne sauraient trouver d’assurance. Pour moi, qui me suis fait une habitude de tout rapporter à des lois et à des causes, je ne puis, je l’avoue, m’empêcher de voir dans le régicide un phénomène de pathologie sociale, que ni les passions mauvaises et les fausses doctrines, dénoncées de tout temps par les pouvoirs établis, ni les abus du despotisme et les colères de la liberté, allégués de tout temps aussi par les conspirateurs, ne suffisent à expliquer ; un mal invétéré, dont on n’aura pas plus raison en guillotinant des fanatiques qu’en sévissant contre des suspects ou en fulminant contre des idéologues. Le res-