Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/563

Cette page a été validée par deux contributeurs.

S’il y a quelque pitié pour les innocents que la police enlève, c’est qu’on les associe aux coupables qu’a reçus l’échafaud. Devant la gloire d’Orsini, Alibaud, Darmès, Pianori, plus courageux cent fois dans l’accomplissement de leur entreprise, non moins héroïques dans leur mort, mais moins beaux, moins artistes, moins romantiques, sont oubliés. Il y a régicide et régicide.

Que faire à présent ? Garder le silence ? Parti commode, qui ne compromet pas, demande peu de courage, et encore moins de philosophie. Que de gens j’ai entendus disant, à propos de la Lettre au Parlement de Félix Pyat : « Cela pouvait se penser ; se publier, jamais ! » Honte à moi, si mon cœur pouvait concevoir une pensée que ma bouche n’osât produire ! L’ignorance, la passion, peuvent toujours s’excuser ; la mauvaise foi, jamais. Je loue Félix Pyat d’avoir osé publier ce que d’autres, avec bien moins d’honnêteté, pensaient ; je regrette seulement, pour lui, pour la démocratie, pour la Révolution, qu’il n’ait pu écrire sa brochure à Paris, et m’honorer auparavant de sa confidence. Son libraire ne serait pas à cette heure devant le tribunal correctionnel de Londres.

Cependant nous ne pouvons rester sous le coup de cette loi de sûreté générale qui nous décime, laisser sans solution cette question du régicide, dont Pyat dit si drôlement :

« Question énorme, nous savons, ridicule même, question grosse d’oui et de non suivant les lieux et les temps, vieille question qui a toute sa barbe et ses dents comme celle de l’Être suprême, question oiseuse surtout, qu’on a posée avec le premier tyran et qu’on ne résoudra qu’avec le dernier. »

Nous ne pouvons pas surtout, coûte que coûte, laisser pénétrer dans l’éthique de la Révolution des maximes renouvelées du livre du Prince. Il faut parler, relever les consciences, sortir de l’hypocrisie des lieux communs,