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toute philosophie saine est forcée de l’admettre, est véritablement en lui, si elle est de lui, si elle le possède comme le premier de ses amours ? Car qu’importe que, dans la décadence générale, quelques âmes pures protestent et gémissent, si la masse est énervée, si la grâce du droit ne la sollicite plus, si, pour vaincre le mal, il ne lui reste que le sentiment de son impuissance ?

Qui peut, dis-je, épuiser ainsi une société de toute vertu ? Est-ce une cause extérieure et fatale ? Alors toute notre théorie de la liberté croule : l’homme est esclave. Ne parlons plus de Justice ; subissons en toute humilité la raison d’État.

Serait-ce que l’âme humaine ne possède qu’une somme de vertu, comme le corps une somme de vie ; et que la provision dépensée, l’immoralité succède, traînant à sa suite la mort ? Dans ce cas, c’est la Justice qui est insuffisante et inefficace ; elle appelle un reconfort, une grâce supérieure : ce qui nous ramène au système de la déchéance innée, originelle.

Ainsi l’horrible cauchemar nous poursuit toujours. Vingt fois dans ces études nous avons terrassé l’hydre, et, quand nous nous croyons délivrés, nous la retrouvons plus menaçante, qui nous défie à un dernier combat. Quelle fascination nous obsède, et nous fait sans cesse trouver, à l’analyse, le mal et la mort, là où l’instinct de notre cœur nous promettait la vie et la vertu ? Eh quoi ! vous vous dites en progrès parce que vous n’êtes pas tout à fait morts ? Mais les Égyptiens, les Indiens, les Bactriens, les Assyriens, les Perses, sont morts ; mais les Grecs et les Romains sont morts à leur tour ; et vous. Français, Germains, Angles, Slaves, peuples d’Orient et peuples d’Occident, vous êtes tous bien malades. Allons, secouez cette décrépitude, faites reverdir votre vieillesse : sinon, à genoux devant le Crucifié, dont le sang répandu