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tice doit lui être chère, ce qu’elle met au-dessus de tout.

D’autre part, la Liberté est souveraine ; et il n’est puissance dans l’univers, il n’est fatalisme de la nature et de l’esprit, qui tienne devant elle ; elle nie, subalternise et détruit tout ce qui lui est étranger et lui fait obstacle. Comment alors la cessation de la Justice dans une société, comment sa rétrogradation, est-elle possible ? Comment cette rétrogradation peut-elle aller, cela s’est vu, jusqu’à l’anéantissement de toute vertu publique et à la dissolution du corps social ? En deux mots, comment l’humanité, capable par l’énergie de sa conscience de s’élever pendant un temps vers le bien, peut-elle s’affaisser ensuite dans le mal ?

Dans l’individu, les défaillances de la conscience peuvent, jusqu’à certain point, s’expliquer par l’incertitude du droit et la méfiance des intentions du prochain, incertitude et méfiance qui rejettent l’homme sur la défensive et lui fournissent au moins une excuse. Mais cet état d’antagonisme et de réserve n’est pas de la corruption, et personne ne s’y peut méprendre. Je parle de cette défaillance spontanée qui s’empare, après une période plus ou moins longue de ferveur, du corps social, envahit les âmes, paralyse la liberté, la dignité, la Justice, tous les nobles sentiments, et livre des peuples en masse à la décomposition.

Accuser ici les institutions, le gouvernement, serait puéril. Par quelle raison les institutions et les lois se sont-elles établies ? Par la raison du droit, sans doute. Comment donc la même raison ne suffit-elle pas à corriger les mœurs, dès que le vice latent est reconnu ? Comment le pouvoir, de plus en plus prévaricateur, est-il souffert ?… La Justice est la première loi de l’homme ; or, nul animal ne manque à son instinct : comment l’homme peut-il faillir à sa loi, si cette loi, comme je l’ai démontré, comme