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chain ? Le maître dit à son valet qui le vole : Va te faire pendre ailleurs ; puis il le chasse, croyant avoir fait preuve d’une grande dignité. Et telles sont les conséquences d’une condamnation judiciaire, qu’au total il faut encore louer ce maître. Bref, tout le monde à l’envi se déclare insolidaire ; et le malheureux que menace la vindicte de la loi agit en conséquence. La condamnation, au point de vue de la dignité, étant toujours capitale, le coupable se débat, comme de raison, contre la peine ; la guerre qu’il a commencée contre la société par le vol et la débauche, il la continue devant la cour d’assises par le mensonge et l’hypocrisie, pour la reprendre ensuite par le brigandage et l’assassinat.

Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit de la solidarité morale : elle se fait sentir, au moins dans la famille, par le respect que nous inspirent naturellement ceux qui nous touchent, par l’orgueil que nous ressentons de leurs belles actions et le chagrin que leurs fautes nous causent. Quant à la contagion qu’entraîne cette solidarité, elle devient manifeste par la dissolution des mœurs publiques, consistant en une sorte de congé tacite que nous nous donnons mutuellement de faire mal.

Le point sur lequel on hésite, moins par l’effet d’une conviction établie que par paresse de raison et de cœur, est la complicité morale de la société. On trouve excessif de rendre la conscience publique responsable, pour si peu que ce soit, d’un acte auquel chacun se rend le témoignage d’être étranger ; et c’est en vertu de cette présomption d’innocence de la collectivité qu’on trouve commode de réduire la pénitencerie à une chasse vigoureuse envers les individus que les définitions légales réputent seuls délinquants et malfaiteurs.

Tout cela, je le répète, est plutôt de l’habitude que de la