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IV

Un enfant a commis une faute. Le père, aussi soigneux de la dignité de son enfant que de la sienne propre, s’apprête à le relever. Que va-t-il lui dire ? Que nos savants criminalistes consultent leur propre cœur, voici ce qu’ils y trouveront :

« Mon fils, nous t’avons mis au monde, ta mère et moi, dans la sainteté de notre amour ; tu n’étais pas conçu que déjà nous pensions à toi comme au tiers associé de notre commune conscience, au continuateur et à l’héritier de notre justice. Pour te faire un lit de vertu, un héritage d’honneur, j’ai travaillé, j’ai peiné sans mesure ; je me suis sevré de plaisir, abstenu de volupté ; j’ai supporté, sans nuire aux autres, bien des injustices ; j’ai gardé mon âme sauve à travers les plus effroyables scandales ; je me suis appliqué, enfin, à paraître toujours devant toi tel que je voulais que tu fusses. Que t’ai-je fait, qui ait pu t’autoriser à commettre cette vilaine action, qui me blesse au cœur et me couvre de honte ? Quel mauvais exemple t’ai-je donné ? Parle, afin que je reconnaisse mon tort, et qu’avant de te demander satisfaction, j’humilie devant ta jeunesse mes cheveux blancs. Sais-tu que, dans la voie où tu entres, il n’y a d’issue que le parricide ? Celui qui désole la conscience de son père sera conduit tôt ou tard à lui ôter la vie, afin de se délivrer de ses reproches. Je n’entends pas humilier ta fierté, je ne veux ni t’injurier ni te flétrir ; mais, coupable envers notre conscience domestique, tu ne peux te réconcilier avec elle que par une réparation : c’est cette réparation que je te demande, comme je suis prêt à réparer mes torts, si j’ai mérité de ta part quelque blâme. J’ai voulu, en te donnant l’existence, produire un homme : ce que tu as fait est un acte bestial. À toi de voir à quel prix tu penses