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quelle qu’elle soit, à exiger de l’auteur d’un crime ou délit, ne satisfera pas, et ce sera toujours une injustice, si la société qui se plaint et accuse n’y joint aussi la sienne : condition indispensable, entrevue autrefois par la mythologie pénale, mais entièrement méconnue par les modernes criminalistes.

En vertu de la solidarité morale qui unit les hommes, il est rare qu’un acte de prévarication soit tout à fait isolé, et que le prévaricateur n’ait pas pour complice, direct ou indirect, la société et ses institutions. Nous sommes tous, du plus au moins, fautifs les uns envers les autres, et ce que dit Job n’est pas vrai : Pécheur devant Dieu, je suis innocent devant les hommes. Dans cette communauté de conscience, la Justice étant réciproque, la sanction l’est aussi ; la réparation doit aller de même. Quelles sont les causes, les prétextes, si l’on veut, qui ont entraîné l’accusé ? Quelle injustice, quel passe-droit, quelle faveur, l’a provoqué ? Quel mauvais exemple lui a été donné ? Quelle omission, quelle contradiction du législateur a troublé son âme ? De quel grief, soit de la part de la société, soit de la part des particuliers, a-t-il à se plaindre ? De quel avantage, dépendant de la volonté publique, jouissent-ils dont il ne jouit pas lui-même ?… Voilà ce que le juge d’instruction doit rechercher avec autant de soin que les circonstances mêmes du crime ou délit ; car il faut que l’inculpé se l’entende dire : Si la société lui demande satisfaction, elle est prête à lui faire droit à lui-même, dans la mesure qui sera trouvée juste par le tribunal des arbitres, par le jury. Toute poursuite criminelle peut donner lieu à une action récriminatoire, et, si la Société ne va d’elle-même au-devant, l’accusé peut dire à ses accusateurs : « Vous tous qui êtes ici assemblés pour me juger, vous n’êtes pas meilleurs que moi. Confessez-vous les premiers,