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menacée, la proportionnalité de la réparation, le retour du coupable à la vertu, la préservation des consciences faibles, tout cela est raisonnable, tout cela est légitime ; il n’y a que le châtiment, la punition, la peine, précisément ce que le criminaliste caresse avec le plus d’amour, qu’il faille écarter comme injurieux à la personne, et par cela même destructif de la Justice.

Est-il donc si difficile de comprendre que le droit de punir, emprunté à la symbolique du monde primitif, est une contradiction dans les termes, et n’a pas plus de réalité que le droit de mal faire ? La sanction morale, qu’on a désignée abusivement par le mot peine, est un fait de conscience, rien de plus, rien de moins ; fait dont la production est toute spontanée, et qui consiste notamment, chez le coupable repentant, en une douleur réelle, résultat du remords ; mais fait que la société est impuissante à faire naître dans la conscience qui s’y refuse, et qu’elle serait coupable de suppléer par des injures et des coups. Tout sévice exercé sur la personne du criminel ne peut produire en lui que de l’indignation et par contre-coup de l’endurcissement : ce n’est pas en rendant le mal pour le mal qu’on se réconcilie avec un ennemi, à plus forte raison qu’on ramène un scélérat à la vertu.

Toute réparation d’un crime ou délit, pour être rationnelle, juste, efficace, doit avoir en soi une valeur morale positive ; il faut qu’elle profite à la conscience sociale autant et plus que le crime ou délit lui a causé de scandale ; que de plus le pénitent obtienne lui-même, par ses œuvres satisfactoires, autant de considération que sa faute lui en a fait perdre, en autres termes, que sa réparation soit en même temps pour lui une réhabilitation. Hors de là, la réparation est illusoire ; elle ne fera qu’aggraver le mal, achever la démoralisation d’une conscience malsaine, et ce qui est pis, inoculer la maladie au corps social.