Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/509

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans l’ancien monde, la dramaturgie de la Loi, que l’Église reproduit à sa manière : Dieu, la Révélation, le Sacerdoce, l’Enfer et le Paradis.

Le principe de cette réalisation, ou, si mieux vous aimez, de cette poésie législative, est aisé à découvrir. Dans l’enfance des sociétés, la loi n’est autre chose que la volonté soit du père de famille, soit du prince ou du dieu protecteur de la cité ; un commandement subjectif, émané du pur arbitre, et qui n’a de valeur que celle que lui confère la puissance ou le respect de son auteur. Élevé jusqu’à l’idéalité théologique, cet empirisme légal est devenu le système entier de la religion : il suppose que la loi morale est antérieure et supérieure à l’humanité ; le sujet de la Justice hors du genre humain, à qui notification est faite de la loi par révélation expresse ; conséquemment que la sanction du droit n’est pas de ce monde, ou du moins qu’elle ne s’y manifeste qu’en partie, etc.

J’ai réfuté longuement ce système ; à cet égard, la discussion est épuisée. L’homme ne reconnaît en dernière analyse d’autre loi que celle avouée par sa raison et sa conscience ; toute obéissance, de sa part, fondée sur d’autres considérations, est un commencement d’immoralité. Il en résulte, à l’inverse de ce qu’a cru ou paru croire jusqu’ici la multitude humaine, que la religion, précisément parce qu’elle place le principe de la Justice hors de l’homme, n’a pas, ne peut pas avoir de morale, à plus forte raison pas de sanction morale.

La philosophie moderne nous fait concevoir la loi sous un tout autre point de vue. La loi est la raison ou le rapport des choses, aussi bien dans la société que dans la nature ; raison essentiellement objective, par conséquent impersonnelle, affranchie de tout arbitraire, et qui subsiste par elle-même, indépendamment du ca-