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peuvent rien. D’autres réaliseront ce que j’aurai défini : Exoriare aliquis !

Eh bien ! Monseigneur, si le sans-culotte était tel que dans vos terreurs insensées vous en tracez l’image ; si je n’avais moi-même, à cette heure de détresse politique et sociale, ni foi, ni loi, ni entrailles, savez-vous ce que me dicterait la vengeance et ce que je ferais ?

Je m’abstiendrais d’écrire ; je me garderais surtout de faire un livre de principes, parce que les principes portent en eux-mêmes le salut des sociétés et des gouvernements ; je laisserais l’empereur se réclamer, dans le silence universel, des principes abominés de 89, et je rirais, sans crainte des espions, dans ma barbe d’idéologue.

Ou bien, si je ne pouvais résister à la tentation de me faire coucher en lettre moulée, je renfermerais ma pensée dans la limite d’une opposition implacable ; au lieu d’une œuvre de philosophie, je ferais une œuvre de parti. Croyez-vous, Monseigneur, que même avec la loi qui régit la presse cela m’eût été impossible ? Non, non : il y a toujours moyen, pour une plume exercée, d’agiter la discorde ; toujours moyen, pour un génie sophistique et méchant, de désespérer les consciences, d’envenimer les haines, d’exciter le peuple contre le bourgeois, d’applaudir même au régicide et d’obtenir les sourires du parquet. Et tenez, sans sortir de ces Études, je n’avais besoin, pour satisfaire ma rage, que de suivre à peu près ce programme : Supprimer l’exposition des principes ; écarter surtout les considérations sanctionnelles dans lesquelles j’entrerai tout à l’heure ; me renfermer dans une froide et savante critique ; faire pour l’éthique en général ce que le docteur Strauss a fait pour la vie de Jésus ; montrer, ce qui n’était pas difficile, que, la Justice n’ayant de fondement ni dans la religion qui en