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science sociale, et, comme le mariage assure leur dignité, il est pour la société qui le proclame une gloire et un progrès. Nos mauvaises mœurs et notre ignorance nous font méconnaître ces choses : tandis que la concubine, qui se livre sans contrat, sans garantie, sur une parole secrètement donnée, pour une subvention alimentaire ou un présent en espèces, comme un bijou prêté à loyer, dérobe aux regards le secret de ses amours et n’en est pas plus modeste, l’épouse paraît, calme, digne, sans rougir : si elle rougissait, elle aurait perdu son innocence.

D. — Cette théorie du mariage est fort spécieuse ; mais pourquoi demander à la métaphysique une explication que la nature nous met sous la main ? C’est dans l’intérêt des enfants et des successions qu’a été institué le mariage : il n’y faut voir rien de plus.

R. — Sans doute, les enfants y entrent pour quelque chose ; mais si la génération elle-même n’a été établie qu’en vue de la Justice, si la multiplication des humains, si leur renouvellement et leur mort ne s’expliquent aussi que par des fins juridiques, il faut bien admettre que la distinction des sexes, que l’amour et le mariage, qui entrent dans cette économie, se rapportent aux mêmes fins. La même loi qui a fait du couple conjugal un organe de génération en avait fait auparavant un appareil de Justice : telle est la vérité.

D. — Expliquez-vous davantage.

R. — Tout être est déterminé dans son existence d’après le milieu où il doit vivre et la mission qu’il a à remplir. C’est ainsi, par exemple, qu’a été réglée d’après les dimensions de la terre la taille du souverain qui l’exploite. L’Humanité, devant opérer à la fois sur tous les points du globe, ne pouvait être réduite à un seul et gigantesque individu : il fallait qu’elle fût multiple, proportionnée par conséquent dans son corps et dans ses facultés avec l’étendue de son domaine et les travaux qu’elle aurait à y faire.

L’Humanité donc étant donnée comme collectivité, deux conséquences s’ensuivaient : la première, que pour faire manœuvrer d’ensemble cette multitude de sujets intelligents et