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que des époux ne dussent pas s’aimer ?… Eh ! non : elle avait deviné, par un sentiment élevé du mariage, ce que l’analyse philosophique nous a démontré : que l’amour doit être noyé dans la Justice ; que caresser cette passion, c’est s’amoindrir soi-même et déjà se corrompre ; que par lui-même l’amour n’est pas pur ; qu’une fois son office rempli par la révélation de l’idéal et l’impulsion donnée à la conscience, nous devons l’écarter, comme le berger, après avoir fait cailler le lait, en retire la présure ; et que toute conversation amoureuse, même entre fiancés, même entre époux, est messéante, destructive du respect domestique, de l’amour du travail et de la pratique du devoir social.

Je résume tout ce que j’ai dit et ce qui me reste à dire dans le questionnaire suivant.


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CATÉCHISME DU MARIAGE.

Demande. — Qu’est-ce que le couple conjugal ?

Réponse. — Toute puissance de la nature, toute faculté de la vie, toute affection de l’âme, toute catégorie de l’intelligence, a besoin, pour se manifester et agir, d’un organe. Le sentiment de la Justice ne pouvait faire exception à cette loi. Mais la Justice, qui régit toutes les autres facultés et dépasse la liberté elle-même, ne pouvant pas avoir son organe dans l’individu, resterait pour l’homme une notion sans efficacité sur la volonté, et la société serait impossible, si la nature n’avait pourvu à l’organisme juridique en faisant de chaque individu comme la moitié d’un être supérieur, dont la dualité androgyne devient pour la Justice un organe.

D. — Pourquoi l’individu est-il incapable de servir d’organe à la Justice ?

R. — Parce qu’il ne possède de son fonds que le sentiment de sa propre dignité, lequel est adéquat au libre arbitre, tandis