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Le mot d’amour n’est pas prononcé, il ne devait pas l’être : c’est en cela que le législateur me paraît admirable. L’amour est le secret des époux ; rien n’en doit paraître au dehors, dompté qu’il est et transfiguré par le mariage. Un dernier regard jeté sur eux achèvera de nous le prouver : Ils s’aiment, et ils ont vaincu l’amour.

Le premier sentiment que l’homme éprouve à la vue de la femme est tout d’amour ; il ne s’y arrêtera pas longtemps : de l’ivresse des sens il passe rapidement à l’adoration de l’âme, et quand il s’imagine être encore amant, il est devenu lui-même un juste et un saint.

Tout ce que l’homme voit en la femme, comme en un miroir où sa conscience se regarde, la femme tend à le devenir, et malheur à elle, malheur à tous deux, si elle trompe la révélation de l’amour, si elle manque à l’attente secrète de l’homme.

Dédain de l’amour sensuel et de la volupté : Que l’homme tourmenté de pensées lascives regarde sa femme, il rougit et il est heureux de rougir, parce qu’il la croit à l’abri de son tourment. Sans doute c’est de lui qu’elle a reçu la pudeur, comme elle en a reçu, dans la cérémonie nuptiale, l’anneau et la couronne ; mais cette pudeur s’est incarnée en sa personne, elle seule sait être chaste et fidèle. Et quelles preuves elle en donnera ! Est-il absent, accablé, malade, elle chasse loin le plaisir, la continence ne lui pèse rien ; à ses yeux le sacrifice n’existe pas : sa charité lui tient lieu de debitum. Jeune fille, elle attendra de longues années son promis, sans s’impatienter du célibat ; femme, elle le possède absent comme présent ; le nom de son époux mêlé au sien lui suffit. Et la conscience générale des femmes témoigne de cette immense générosité de leur cœur : plus que nous elles méprisent, elles abhorrent les lascives, les volages et les infidèles.

Conception supérieure de la liberté et de la force : La