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la vérité philosophique et la raison des choses, parce qu’il n’y a pas d’autre préservatif contre les éclats et les aberrations de l’amour, et que telle est en définitive la pratique de l’immense majorité des hommes : le secret, pour échapper aux tribulations de l’amour et en conserver le fruit, consiste, pour chacun de nous, à aimer d’esprit et de cœur toutes les personnes du sexe opposé, et à n’en posséder conjugalement qu’une seule.

C’est impossible, s’écrie-t-on encore…. Je réponds que c’est facile, excepté peut-être aux novices dont l’imagination est pour la première fois séduite, et aux égoïstes qui prennent pour amour la férocité de leur passion.

Au moral comme au physique, l’amour débute par une crise dont la fin est tout autre que ne le disent le cœur et les sens, et qu’il est stupide de présenter à la jeunesse comme le dernier mot de la félicité. Pourquoi ne pas plutôt saisir cette occasion de lui inculquer avec force, de par la Justice et le sens commun, que, la fin de l’amour, chez l’être raisonnable, étant autre que la possession, et cette fin se réalisant le plus souvent sans attendre la possession, l’amour ne tient pas nécessairement à la possession ; qu’au contraire il est prudent de se garder de ses premières émotions, attendu que toute inclination contient plus ou moins d’illusion, toute préférence du cœur plus ou moins d’injustice, tout amoureux régal plus ou moins de honte ; attendu surtout que, le beau moral, en tant qu’il dépend de notre volonté, devant être pour nous le plus précieux bien, si dans un mariage toutes les convenances sont respectées, si le devoir et la vertu y figurent comme élément principal, alors même que le penchant amoureux serait presque nul, l’union est accomplie dans les meilleures conditions possibles ?

Les anciens étaient entrés dans cette voie, lorsqu’ils faisaient de l’amour l’âme universelle ; le christianisme y