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n’est pas moindre : l’éducation qu’ils ont reçue a élevé entre eux et leurs auteurs une barrière infranchissable de chasteté. Car, chasteté c’est respect et justice : plus, par conséquent, en raison même de leur affection mutuelle, les époux auront développé entre eux et autour d’eux de pudeur, de bienséance, d’honnêteté, de piété filiale, plus par cela même ils se trouveront avoir rendu à leurs enfants, vis-à-vis d’eux, l’idée d’un autre amour insupportable. La famille, est le siége de la chasteté ; de même que chez les parents la tendresse paternelle, croissant avec l’âge, éloigne de plus en plus toute pensée obscène, tout amoureux désir, de même chez les enfants la déférence, prenant une teinte de plus en plus prononcée de vénération, étouffe jusque dans son principe l’inclination sexuelle.

Entre frères et sœurs l’incompatibilité est moins forte ; cependant elle existe, et les choses se passent à peu près de même.

Les causes de cette incompatibilité sont : l’habitude et la familiarité domestique, peu favorables à l’idéal, sans lequel pas d’amour ; l’usage commun des choses, qui les rend triviales et ajoute à la difficulté de l’idéalisation amoureuse ; l’amitié fraternelle, contractée de bonne heure sous l’influence de la pudeur domestique et du respect familial, et qui pousse les jeunes gens à l’égalité, non à l’amour ; la ressemblance de caractère, d’esprit, de style, de tempérament, qui laisse les cœurs froids et les personnes sans attrait ; la répugnance du sang, qui réclame avec force un croisement.

L’amour a besoin pour se produire de surprises, de contrastes, d’une certaine étrangeté qu’exclut la vie de famille, et la pudeur dont il s’accompagne est aussi d’un tout autre ordre. Entre personnes qui se connaissent trop, l’amour se trivialise et devient obscène ;