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dition de la vie universelle, n’ayant rien qui nous fût propre, il n’y faudrait voir toujours qu’une manifestation de la puissance infinie, un pur fatalisme, qui, loin de prouver la vertu humaine, la détruirait.

Ici encore, Monseigneur, la philosophie ne vous a guère préparé que des triomphes.

M. Pierre Leroux, l’homme le plus capable de comprendre la grande pensée de la Révolution, à force d’interroger l’organisme semble avoir perdu de vue la liberté. Homme de religion lui-même, il s’est plus occupé de fonder une théologie que d’établir une morale. Il a bien vu que le christianisme était fini, sinon pour la multitude, qui ne pensant pas ne compte pas, du moins pour la portion de la société qui raisonne, et dont la raison a fait la Révolution. Mais il en a conclu qu’à cette forme religieuse devait succéder une autre, et c’est à la recherche de cette autre religion qu’il a voué son existence. Or, ainsi que je l’ai dit tant de fois, en dépit de la diversité des symboles il n’existe, n’a jamais existé et jamais n’existera sur la terre qu’une religion ; il n’y a qu’une théologie, dont chaque église représente un fragment, théologie à laquelle on est sûr d’acculer toujours les soi-disant novateurs, si mieux ils n’aiment se laisser convaincre d’inconséquence et de mauvaise foi : cette religion, cette théologie, c’est la vôtre.

C’est ainsi que la philosophie de Hégel, comme celle de Schelling, qui eut la franchise de revenir au catholicisme, comme celle de Rousseau, de Leibnitz, de Spinoza, de Descartes, comme toute philosophie qui commence par une réalisation ultra-mondaine de l’absolu, n’est qu’une facette de la théologie chrétienne, et que le matérialisme de certains humanitaires adorant la chair à la place de l’esprit, prenant la communauté pour Être suprême, en est encore un simulacre.