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deux éléments au moyen desquels la femme exerce sa part d’influence dans l’éducation de l’humanité et le progrès de la Justice. Mais Mme  Sand ne l’entend pas ainsi : point de Justice pour elle, point de société, tant que la femme ne sera pas libre, libre dans son amour, libre en tout. L’amour, en effet, étant souverain, absolu, dieu, ne connaît pas de loi ; la conséquence sera donc, en premier lieu, la réprobation du mariage :

« Je ne suis pas réconcilié avec la société, et le mariage est toujours, selon moi, une des plus barbares institutions qu’elle ait ébauchées. Je ne doute pas qu’il ne soit aboli, si l’espèce humaine fait quelque progrès vers la justice et la raison ; un lien plus humain et non moins sacré (quel lien ?) remplacera celui-là, et saura assurer l’existence des enfants qui naîtront d’un homme et d’une femme, sans enchaîner à jamais la liberté de l’un et de l’autre. Mais les hommes sont trop grossiers et les femmes trop lâches pour demander une loi plus noble que celle qui les régit ; à des êtres sans conscience et sans vertu, il faut de lourdes chaînes. » (Jacques.)

Plus loin le même personnage écrit à sa fiancée :

« La société va tous dicter une formule de serment ; vous allez jurer de m’être fidèle et de m’être soumise, c’est-à-dire de n’aimer jamais que moi et de m’obéir en tout. L’un de ces serments est une absurdité, l’autre une bassesse. Vous ne pouvez pas répondre de votre cœur, même quand je serais le plus grand et le plus parfait des hommes ; vous ne devez pas promettre de m’obéir, parce que ce serait nous avilir l’un et l’autre. »

Et la jeune fille de répondre :

« Ah ! tenez, ne parlons pas de notre mariage ; parlons comme si nous étions destinés seulement à être amants. »

Pourquoi, alors, se marier ?

« Parce que la tyrannie sociale ne nous permet pas de nous posséder autrement, » dit Jacques.

Jacques et Fernande mariés, le roucoulement continue, sans le moindre respect de la dignité conjugale :