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moment ne la quitte plus, lui tient lieu de génie et d’idée : c’est qu’en toute chose, raison, vertu, talent, la femme vaut l’homme, et que, si elle ne tient pas la même place dans la société, il y a violence et iniquité à son égard.

L’égalité des sexes avec ses conséquences inévitables, liberté d’amours, condamnation du mariage, contemption de la femme, jalousie et haine secrète de l’homme, pour couronner le système une luxure inextinguible : telle est invariablement la philosophie de la femme émancipée, philosophie qui se déroule avec autant de franchise que d’éloquence dans les œuvres de Mme Sand.

Dès son premier roman sa protestation éclate :

« Je ne sers pas le même Dieu que vous, écrit Indiana à l’un de ses amants. Le vôtre, c’est le Dieu des hommes, c’est le roi, le fondateur et l’appui de votre race ; le mien, c’est le Dieu de l’univers, le créateur, le soutien et l’espoir de toutes les créatures. Le vôtre a tout fait pour vous seuls ; le mien a fait toutes les espèces les unes pour les autres. Vous vous croyez les maîtres du monde ; je crois que vous n’en êtes que les tyrans…... La religion que vous avez inventée, je la repousse : toute cette morale, tous vos principes, ce sont les intérêts de votre société que vous prétendez faire émaner de Dieu même. »

Ce passage, déclamatoire et sans portée, est cependant remarquable à plus d’un titre. On y découvre d’abord ce fond noir d’androphobie qui forme le ciel des romans de Mme Sand ; puis, sur ce fond noir, on voit poindre le panthéisme, l’omnigamie et la confusion auxquelles l’auteur devait aboutir dans Lélia. Certes, Mme Sand n’a pas saisi ces rapports, bien qu’il soit aisé d’en suivre chez elle la trace ; mais si la femme ne pense guère, la raison des choses pense pour elle, et conduit son imagination et sa plume.

Donc Mme Sand, émancipée, célébrera l’amour, toujours l’amour, puisqu’en définitive, sainte ou pécheresse, la femme émancipée ne rêve plus d’autre chose. La collection des romans de Mme Sand est une guirlande offerte à l’amour.

« Ce qui fait l’immense supériorité de l’amour sur tous les autres sentiments, ce qui prouve son essence divine, c’est qu’il