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rieur, adulte et dans toute la puissance de son développement, ne pouvait pas faire, le petit d’une espèce supérieure le fait peu d’instants après sa naissance. Un ruminant, à l’état le plus complet de sa vie, ne pouvait pas manger de la chair ; un tigre, peu après sa naissance, mange le ruminant.

« Ainsi, dans la vie animale, il y a d’un genre à un autre ou d’une création à une autre concentration de vie et de puissance, une véritable incarnation successive de la vie.

« Cette même incarnation a-t-elle lieu dans l’humanité ? Oui : les espèces et les genres sont ici les siècles et les générations.

« La force qui constitue l’homme change de génération en génération. De même que les genres successifs de l’animalité apportent des instincts différents, nous apportons de siècle en siècle, en naissant, une innéité différente…

« À priori cette proposition est certaine. Comment, en effet, si nous n’apportions pas en naissant une innéité différente de celle de nos ancêtres, pourrions-nous nous nourrir de leurs produits ? C’est comme si l’on disait qu’un lion peut naître brebis, et se nourrir pourtant de chair dès sa naissance.

« À posteriori la chose n’est pas moins évidente. Cette transformation incessante de la force qui constitue l’homme est le résultat nécessaire de l’emploi même de cette forée et de son exercice…

« … De même que l’animal, selon des lois mystérieuses que nous ne connaissons pas encore, communique à ses petits son instinct et sa nature, non pas précisément telle qu’il l’avait reçue, mais telle qu’il l’a faite par l’exercice de sa vie, de même l’homme, de siècle en siècle, tend à communiquer sa nature par l’innéité à la fois spirituelle et corporelle dont il doue ses enfants…

« … Outre l’influence reçue par la génération, l’action de la société sur l’individu est immense, il en résulte que l’homme, dans aucun de ses actes, dans aucun de ses sentiments, dans aucune de ses prédispositions et des virtualités de sa nature, n’échappe complétement à cette action. L’innéité qu’il avait apportée en naissant, prenant pour objet cette société qui l’entoure, et qui lui transmet tous les produits antérieurs de la